A propos de la proposition de loi "Autorisation de la recherche sur l'embryon"
Le Parlement a adopté, en juillet 2011, la loi relative à la Bioéthique. Ce texte, tout en proposant plusieurs évolutions, préservait les grands principes de notre droit, notamment le respect de la dignité humaine et le refus de toute forme de marchandisation du corps humain.
Ce texte avait été élaboré après une large et longue phase de réflexion et de concertation engagée dès 2008. Parmi les nombreuses contributions :
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le mémoire du Comité Consultatif National d’Éthique,
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le bilan d’application de la loi de 2004 par l’Agence de Biomédecine,
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l’étude du Conseil d’Etat,
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les Etats généraux de la bioéthique, qui avaient pris la forme de débats citoyens en régions,
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le rapport de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques,
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la Commission d’information sur la révision des lois de Bioéthique à laquelle j’ai activement participé. Durant 2 ans, cette commission a procédé à 110 auditions.
Le Parlement s’était notamment penché sur la délicate question de la recherche sur les embryons humains. Celle-ci, comme la recherche sur les cellules souches embryonnaires et les lignées de cellules souches restait interdite. Des dérogations à ce principe étaient prévues et encadrées.
Cette interdiction, en conformité avec l’article 16 du Code civil qui affirme le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie, possède une portée symbolique forte. Cette loi stipulait, en effet, l’interdit, le cadre à ne pas dépasser, les limites à ne pas franchir. Il est plus facile de définir des dérogations que d’encadrer une autorisation dont le champ d’application sera, par définition, plus extensible.
Cette loi prévoyait, également, que les projets de recherche étaient autorisés, au cas par cas par l’Agence de la Biomédecine, pour toute recherche susceptible de permettre des « progrès médicaux majeurs » et s’il était impossible de parvenir au résultat escompté par une autre voie de recherche. Les recherches alternatives, à celles sur l’embryon, devaient être favorisées et il était interdit de créer des embryons destinés à la recherche, ces dernières n’étant autorisées que sur les embryons surnuméraires.
Le texte proposé par l’actuelle majorité gouvernementale à l’Assemblée nationale, et votée le mardi 16 juillet, instaure que le principe d'interdiction assorti de dérogations est remplacé par le principe « d'autorisation encadrée ». La loi revient sur celle de 2011. Elle inverse la charge de la preuve en autorisant la recherche sur l’embryon tout en assouplissant les conditions dans lesquelles elle est encadrée :
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la recherche de « progrès médicaux majeurs » que doivent viser les projets de recherche est remplacée par celle, beaucoup plus floue, de « finalité médicale » ;
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la volonté affirmée dans la loi de privilégier des recherches alternatives aux recherches sur l’embryon est supprimée ;
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les modalités d'intervention de l'Agence de la biomédecine, qui n’a plus à motiver ses décisions d’autorisation, et des Ministres de la Santé et de la Recherche, qui n’ont plus la possibilité de s’opposer à un programme, sont modifiées.
Avec ce texte, on sort du corpus législatif français qui, jusqu’à présent, sans définir juridiquement l’embryon, le protégeait. C’est un changement majeur.
Revenir sur une disposition centrale et aussi importante de la loi de Bioéthique de 2011, par le biais d’une proposition de loi, sans aucune concertation, est particulièrement contestable. Sur un sujet aussi sensible, il est indispensable de se donner du temps avant de toucher à ce texte législatif.
D’ailleurs, l’article 46 de la loi de Bioéthique de 2011 prévoit que le Comité Consultatif National d’Ethique est à l’initiative de l’organisation d’États Généraux avant tout projet de réforme lié à des questions éthiques. La majorité modifie donc une disposition majeure de la loi de Bioéthique, sans que cela ait été, auparavant, discuté, débattu, réfléchi. Pour appliquer son idéologie, quitte à passer en force, la majorité n’hésite pas à bafouer les textes, à ne pas respecter la loi. Curieuse démonstration de démocratie !
Après l’autisme dont a fait preuve le Gouvernement envers les opposants au Mariage pour Tous, cette loi aux évolutions inquiétantes, mais désormais votée dans les conditions que je viens d’évoquer, augure du pire quant au débat que le Président de la République souhaite ouvrir, dans le second semestre, sur la fin de vie.
Le Gouvernement s’engouffre dans des réformes sociétales qui ne sont absolument pas indispensables, alors que la société française, de par les effets de la crise, est sous tension.
Attention danger !